du 9 au 12 octobre 2014
quartier Decré, Nantes


LA GAZETTE DES LYCÉENS
Entretiens avec les auteurs
Notes de lectures
Clin d'œil (textes de création)

YU JIAN, UN VOL (éd. Gallimard, 2010)
Note de lecture, par Olivia et Camille

Le temps d'Un Vol de Yu Jian (traduit par Li Jinjia et Sebastian Veg), nous voilà en apesanteur. Le poète chinois entretient comme un dialogue avec nous, le temps d'un voyage, nous prend à partie, nous questionne sur le monde et la société chinoise, nous remémore le monde d'avant pour nous faire prendre du recul sur la modernisation actuelle. Yu Jian nous embarque dans une prose dénonciatrice, au style narratif. On retrouve ici une écriture poétique engagée, comme dans Dossier 0. C'est un poète contestataire : contre le productivisme et l'uniformisation de la Chine.
Pendant ce voyage, nous sommes accompagnés par T.S Eliot, croisons les sommets de l'Himalaya tout en restant sur les plateaux où « les hommes et les dieux vivent en voisins ». Ses écrits intérieurs fragmentés se mêlent aux dialogues des passagers et des hôtesses, qui viennent parfois perturber ses comparaisons entre le monde d'aujourd'hui et celui d'hier, et ses descriptions des paysages de sa province natale.
Maniant l'art de travailler sur les rythmes, le jeu de la continuité et de la discontinuité, Yu Jian donne à ses textes une forme d'oralité particulière. Affecté profondément à son audition droite, il écrit « il m'aura fallu me fier à mes yeux plutôt qu'à ce que me disaient les autres et développer une sorte d'oreille intérieure ». Enrichi de vides, de silences et d'espaces, vous serez surpris par la forme du texte. Embarquez avec l'un des plus grands poètes chinois de sa génération : « Dans quelques minutes mêmes les idées les plus lourdes vont s'envoler et entrer dans un état d'apesanteur ».

JACQUES SICARD, NATURE MORTE AU CINÉMA (éd. Peigneurs de comètes, 2014)
Note de lecture, par Alexis et Samuel

Ne soyez pas effrayé ! Mais à la découverte de  Nature morte au cinéma, vous risquez d'être quelque peu déconcerté. Déconcerté par le style si singulier de Jacques Sicard, qui se lance dans des divagations poétiques (parfois très farfelues) après avoir visionné un film. En prenant pour exemple son analyse de  Match Point, on peut se demander s'il a bien vu le même long-métrage que nous ! Mais en s'y attardant de plus près, en auscultant le sujet, les liens jusqu'à présent nébuleux, semblent s'éclaircir jusqu'à devenir une évidence. Citons la première phrase : « La théorie du Chaos introduit la tragédie dans le brouillon des choses ». Ici, l'écrivain explique pourquoi un meurtre advient subitement au milieu de banales histoires de tromperies sentimentales. De plus, il illustre ses propos en jouant avec les mots. Ainsi, lorsqu'il évoque « l'inversion des termes du chaos », il cite « le Woody Allen de Match Point ». En somme, si vous cherchez une critique onirique, foncez lire les travaux de Jacques Sicard !

MARIE BOREL, LE LÉOPARD EST MORT AVEC SES TÂCHES (éd. L'Attente, 2011)
Note de lecture, par Elisa, Floriane, Lilou, Perrine

Intrigant, décalé, ludique... fallait oser ! Savane, couleur sauvage, bestiale, il n'y a qu'un poète pour faire ça ! Le léopard est mort avec ses taches interpelle le lecteur et le ramène à ses rêves d'enfant. Ce voyage va nous mener au bout du monde, un monde fauve, ocre, or, un monde de félins, un monde de douleur où règne la loi du plus fort. Toutes les traces laissées sur nos routes ainsi que nos différences nous poussent à suivre ces grands chasseurs. Ces félins témoignent d'une faible frontière entre l'homme et l'animal. La fourrure des félins confère une douceur -ô caresse- au recueil. Mais une douceur trompeuse : coups de griffes, balafres jusqu'au sang. Ce mystère, cette violence, nous ramènent à la réalité par sa chute surprenante. Marie Borel nous transporte par son écriture comme dans un piège. Elle nous saisit par son style narratif : mots de l'inconnu, mots de l'imaginaire, mots de l'impossible. Sa poésie intrigue par sa forme concise, tailladée, sans compromis. Poursuivez son périple comme un pigeon voyageur à travers ses recueils : Priorité aux canards (2008), Lion... euh... Loin (2013).

FABIENNE RAPHOZ, TERRE SENTINELLE (éd. Héros-Limite, 2014)
Note de lecture, par Nacima, Manon, Sophie

Cet hymne à la Nature offert par la poète Fabienne Raphoz, nous invite à découvrir ses poèmes d’animaux réels et imaginaires. En effet, au fil des pages l’auteure nous délivre ses « folies » juxtaposant textes poétiques et classifications animalières savantes. Cet ouvrage traitant de la Nature et de sa relation avec l’Homme nous plonge dans son univers naturaliste, voire écologiste. Cependant, ses poèmes sont assez compliqués. Tout d’abord, il faut être qualifié sur le vocabulaire scientifique pour comprendre la plupart des nuances. De plus, il est préférable d’avoir l’esprit ouvert car à certains passages, ses écrits s’éloignent du sujet premier et deviennent très complexes. Pour savourer son œuvre, installez-vous confortablement et laissez votre esprit s’envoler à ses cotés.

En clin d'œil à Terre sentinelle, les élèves ont brouillé les pistes en inventant un animal et sa description, mêlant science et poésie :
Zénorythell (n.f)  : animal faisant partie de la famille des « mybularix élisium », il ne se trouve nulle part car il vit en nomade. On ne connaît ni son origine ni son régime alimentaire. Son apparence est celle d’un oiseau géant dont les plumes semblent refléter les couleurs de l’arc-en-ciel. Il est traqué par de nombreux chasseurs qui veulent exposer son existence mais jusqu’à nos jours, seule une plume démesurément grande de couleur noire et blanche a été trouvée.

Plumes
         Etincelle
   Vague
      Ombre
Tour de l’univers
  Echappant
     D’outre-tombe


CLAUDE FAVRE, A.R.N AGENCEMENT RÉPÉTITIF
NÉVRALGIQUE_VOYOU (éd. La Revue des ressources, 2014)
Note de lecture, par Adèle et Adèle, Coraline, Chloé, Léa H, Pauline F et Pauline J

Cet ouvrage contient quatre ensembles de textes poétiques à couper le souffle.  Dès le début du livre, on remarque un rythme saccadé avec un titre énigmatique, inspirant comme un battement de cœur : c'est une introduction à ces poèmes sensibles et torturés. Après quelques lignes, on devine une écriture sincère, brutale, franche mais vulnérable, soutenue par des mots poignants et frappants. Cette puissance d'écriture perturbe, jusqu'à laisser en suspend.  C'est derrière la franchise de ces mots, que se cache une grande délicatesse, au pouvoir fabuleux : l'explosion d'émotions. Au-delà de la brutalité de sa poésie, nous sommes saisis par différents sentiments : la sensibilité, l'étourdissement, l'égarement... Ces mots dansant avec sauvagerie nous atteignent tel un pic, suffisamment aiguisé pour susciter en nous l'émotivité. Son rythme d'écriture, l'affolement de ses mots nous mènent à la cime, au bord du gouffre. Claude Favre écrit avec une délicatesse déconcertante, celle qui nous porte jusqu'à nos propres sentiments. Elle sait mettre des mots sur ce qu'on ne peut dire. Dès les premières lignes, on remarque une vague de bonheur qui chute en douleur, une agressivité qui cache une personnalité fragile. C'est admirable de constater que ses textes retranscrivent l'accablante réalité, une société où le monde ne cesse de se lamenter et de pleurer de ses malheurs.  On a su apprécier ses textes car l'auteur a si bien réussi à faire transparaître ses sentiments.

ANNE-LAURE PIGACHE, DYSLEXIE, TRITURATIONS VOCALES
Note de lecture, par Laurine, Solène et Léa T.

Bidouiller, trafiquer, malaxer les mots, c'est le travail qu'Anne-Laure Pigache réalise lors de chacune de ses performances. Spécialiste de l'improvisation, vocaliste, comédienne, musicienne, elle trafique les sons, les mots. Aussi perturbante qu'étonnante, elle crie des « brrrrr...booo...aaaaaaaa...ouiiiiiiiiii... » qui paraissent au premier abord incompréhensibles. Elle efface un sens pour en recréer un autre grâce à l'accentuation, l'articulation et les répétitions. Ainsi le verbe « appeler » se transforme en un « sembler » en passant par « peler, péter, répéter, blessant ». Jeux de mots, jeux de rôles, Anne-Laure Pigache est parfois dans la peau d'une présentatrice, d'une personne sérieuse ou d'un animal  ; les rôles sont multiples et lors de ses performances le public est alors dérouté, perturbé et absorbé... vous verrez, verrez, venez si vous voulez, voulez voir  ! Dans ce délire sonore nous avons le sentiment de participer et de rentrer dans son univers en mouvement. Elle le dit elle-même : « Mon fil rouge, pourrait être la pratique du mouvement comme point d'appui pour être sur scène ». Au-delà du jeu sur la musicalité du langage, Anne-Laure Pigache interprète le mot de façon à nous interroger sur notre identité, notre langue, notre société et ainsi nous transmettre un sentiment, une idée, peut-être la sienne... la sienne, qu'elle vienne, qu'elle vienne, quelle vie...

PATRICK BEURARD-VALDOYE, LIRE PAGE RÉGION CONTRESENS CHRONIQUE (éd. Tarabuste, 1998)
Note de lecture, par Coline, Emma, Timothé et Pauline C.

Lors de son voyage en Irlande, Patrick Beurard-Valdoye prend goût à l'écriture et plus particulièrement à la poésie. S'ensuivront moult voyages à travers l'Europe. Il publiera son premier ouvrage en 1984 intitulé Ber-tho-lin (Elac, 1984) qui est le début de son long parcours dans le domaine de l'écriture. Ainsi, pour notre plus grand plaisir, nous avons eu l'occasion de parcourir son recueil de poèmes Lire page région  contresens chronique (Tarabuste, 1998). Il y expose des faits divers tragiques contemporains ou d'une autre époque, tout en critiquant la société. Reprenons, p.30 :
J'ai piqué un quatre-quart et me suis fait
pincer avec, j'avais faim le gérant du
magasin me donnant deux sacs de pains
au chocolat en plus du gateau m'a laissé filer ;
deux mois plus tard quand j'ai touché
les assedic suis retourné à la superette
y ai acheté champagne que j'ai offert à
l'épicier.
 
Les poèmes sont habités par des personnages et des animaux banals, alléguons: le garde champêtre, Joseph, ma mère, Baba l'éléphant, etc. Le poète mélange à la fois humour et cruauté, qui peut entraîner un fou rire nerveux : et si ce touriste danois s'était réellement fait écraser par un éléphant ?

CHARLES ROBINSON, ULTIMO (éd. èRe, 2012)
Note de lecture, par Elora et Thomas

Qui a dit que les mots avaient une définition irremplaçable ? Charles Robinson casse ce mythe et nous sépare de la réalité dans son livre Ultimo. Bienvenue dans l'univers du cut-up !
Fini les balivernes et l'âge des dictionnaires banals, le poète réinvente avec créativité la signification des mots et nous en offre une toute autre image.
Sa technique est simple : choisir un mot, fragmenter des définitions du Petit Robert puis les assembler pour recomposer un sens.
Ce livre illustre tout le savoir dissocié du dictionnaire.

À notre tour nous avons utilisé cette technique pour réinterpréter le nom de l'auteur.

Robinson :
Femme politique irlandaise, vivant loin de la civilisation, érémiste de longue durée placée sur un tuyau de canalisation utilisant les ressources économiques de la chimie britannique.

 


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