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Entretien avec Laurent Jarfer, Laurence Gatti et Ilan Kaddouch de la revue Gruppen
par Julien, Quentin, Julie (1ère L1) et Fanch, Jean, Merlin, Stéphane (1ère L2)

La revue Gruppen a l'apparence d'un livre d'environ cent-soixante-dix pages. C'est une revue semestrielle, créée par Laurent Jarfer, Ilan Kaddouch et Laurence Gatti. Il y figure de la musique parfois sous forme de partitions, du dessin, de la photographie, de la philosophie, du cinéma, de la poésie, des arts graphiques... Des auteurs sont invités à répondre à des questions qui nous amènent à réfléchir sur de nombreux sujets, parfois liés à l'actualité. On remarque de l'humour, une certaine impertinence comme dans le texte «Putain de lecteur» de Charles Pennequin. Nous avons posé des questions aux animateurs de la revue Gruppen.

1. Pourquoi et comment avez-vous décidé de créer une revue qui croise la poésie, la musique, l'image, les sujets de société ?

Une revue est un lieu de partage. Une association d’individus et d’idées. Quelque soit la discipline que l’on souhaite explorer, qu’il s’agisse par exemple de Musique ou de Poésie, de Philosophie ou d’Histoire, il est toujours important d’étudier les domaines dans lesquels nous ne sommes pas « spécialistes ». La curiosité et le goût de la découverte nous y invitent, le développement de notre pensée et la créativité nécessaire à la poursuite de notre travail nous l’imposent. L’impression que nous donne bien souvent notre scolarité, à savoir qu’il y aurait des disciplines séparées les unes des autres, avec finalement des littéraires d’un côté et des scientifiques de l’autre, nous trompe largement quant aux liens qui unissent fondamentalement ces disciplines. Être créatif c’est tisser des liens, trouver des connexions, élaborer de nouveaux agencements. Pas de Philosophie sans Histoire, pas de Musique sans Mathématiques, pas de Poésie sans Musique, etc. Tous ces domaines sont imbriqués les uns dans les autres et ne peuvent être compris ou travaillés s’ils sont abordés isolément. Chaque discipline est riche de découvertes qui peuvent être utiles aux autres. Gruppen est un outil qui permet de réunir des pratiques habituellement séparées, qui permet de les faire dialoguer, et qui par conséquent provoque en définitive l’apparition d’idées et de sensations qui ne seraient pas apparues sans cette mise en relation. Pour le dire en une phrase, nous considérons qu’un musicien par exemple, ne pourra jamais être créatif s’il ne travaille pas aussi la Philosophie, l’Histoire, le Dessin, etc. Gruppen autorise cette rencontre.
Par ailleurs, et nous devrions dire avant tout, Gruppen est un lieu où se croisent des personnes. On ne progresse jamais seul. Le travail en commun est une autre nécessité. Qu’il s’agisse des contributeurs de la revue, ou de ceux qui la lisent ou assistent à l’une de nos interventions publiques, Gruppen est encore une fois dans ce cas un outil qui permet la rencontre, l’échange, le débat, l’enrichissement mutuel. Ces échanges ont une valeur théorique (nous en tirons des bénéfices pour améliorer nos travaux) mais aussi pratique (ces travaux ont une influence sur notre manière d’être au monde). Ainsi, Gruppen, qui en allemand signifie Groupes, au pluriel, et rappelle une pièce du compositeur Karlheinz Stockhausen conçue pour être interprétée par trois orchestres répartis autour du public, ainsi donc, Gruppen est une association d’éléments qui participent d’un même projet : susciter et partager la création.

2. Comment choisissez-vous les contributeurs ? Et comment travaillez-vous avec eux ?
Nous choisissons les contributions qui nourrissent notre curiosité et dont nous pensons qu’elles instruiront le lecteur autant qu’elles nous ont instruits. La recherche étant un processus permanent, nous accueillons tous les travaux susceptibles de nous faire avancer sur ce chemin. Par ailleurs, nous accordons une grande importance au fait que ces contributeurs soient aussi de bon pédagogues, et qu’ils tiennent à partager leur savoir le plus largement possible, c’est à dire avec des lecteurs qui bien souvent ne sont pas des spécialistes de leur

 

discipline. Par conséquent, nous demandons généralement à des personnes dont nous apprécions le travail de nous rejoindre. Ces dernières sont libres de choisir le sujet de leur recherche. On peut dire que la connaissance du travail passé d’une personne, a fortiori si nous avons eu l’occasion de la rencontrer et de mieux la connaître, nous assure que sa participation répondra sans nul doute à nos attentes. Bien sûr, nous publions aussi des propositions que nous n’avons pas sollicitées. Gruppen ne fixe aucune thématique particulière pour organiser ses différentes publications. Une certaine idée de la création, et de ses objectifs, suffit à tisser le lien nécessaire parmi des individus qui visiblement s’entendent «naturellement» sur ce point. Gruppen est un atelier de travail ; peuvent y entrer tous ceux dont nous pensons qu’ils mènent une recherche originale et pertinente, et qui ont à cœur de la partager.

3. Quel est l'objectif de Gruppen ? Que cherchez-vous à transmettre ?
Nous avons déjà largement répondu à cette question précédemment. L’objectif de Gruppen est d’être créatif et de partager les fruits de son activité. C’est notre travail et notre contribution au monde qui nous entoure. L’occasion de prendre du plaisir et d’affûter notre esprit critique. Gruppen espère être utile.
On ne peut ici développer cet autre aspect capital, mais il est clair qu’il y a bien sûr dans cette démarche une dimension politique (la politique étant l’organisation de notre vie commune en société), une dimension qui pour nous et de première importance. Elle rejoint ce dont nous parlions au départ quand nous indiquions la valeur pratique qu’une telle entreprise peut revêtir, une utilité pratique à nos yeux rigoureusement nécessaire.
Gruppen réunit donc un ensemble d’affirmations et de dénonciations qui, dans ce deuxième cas, et pour répondre à certains parmi vous qui nous le savons s’interrogeaient sur la chose, justifient le ton « vulgaire » dont usent quelquefois nos contributeurs. Si l’on tente de porter un certain regard sur soi-même et sur le monde, un regard qui bien entendu essaie de refléter et d’interpréter ce qu’il voit, l’outrance et la « vulgarité » ne peuvent être toujours absents. Cette forme de langage témoigne d’une réalité. Dire « zut » ne signifie pas la même chose que dire « merde ». Et il est parfois nécessaire de pouvoir dire « merde ».

4. Visez-vous un public en particulier ?
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, nous visons un public qui soit le plus large possible.
Néanmoins, il est important de noter que cet échange nécessite l’effort des deux parties en présence, et que le public doit aussi fournir le sien pour apprécier certains travaux. Partant de là, et sachant que nous méprisons au plus haut point les spécialistes qui ne parlent qu’à eux-mêmes, et quelques-uns de leurs semblables, nous n’oublions jamais de faire le maximum pour être au mieux compris du plus grand nombre. Ce point est essentiel, car il est précisément indissociable d’une certaine conception du vivre ensemble.

5. Y a-t-il des textes, des contributions qui vous ont plus marqués que d'autres et pourquoi ?
Nous ne pouvons bien évidemment pas élaborer un classement des contributrices et contributeurs ayant participé(e)s à la revue, chacune de ces personnes a son importance, et participe du collectif formé par Gruppen.
Toutefois, et pour faire suite à la question précédente, il y a tout de même une personne dont les qualités de pédagogue restent à ce jour pour nous exemplaires, nous voulons parler de Patrick Tort. Si l’objectif fixé est d’être à la fois créatif et le plus efficace possible pour diffuser un savoir accessible à tous, alors sans conteste, Patrick Tort reste à ce jour parmi nous celui qui de loin réussit le mieux dans cette entreprise.

 

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