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Entretien avec les éditions contrat maint, Pascal Poyet
et Françoise Goria

par Valentin, Louise, Lilas, Danaé (1ère L1) et Capucine, William, Colin, Enzo (1ère L2)

Contrat maint se présente sous la forme d'un pliage en quatre feuillets, format A6, avec une couverture de couleurs. On y lit des textes d'artistes et de poètes contemporains, des traductions, des essais. Entretien avec les éditeurs Françoise Goria et Pascal Poyet.

1. Comment et pourquoi cette idée de format pour votre maison d'édition ?

La forme de contrat maint, c’est une feuille de papier A4 pliée en quatre (= 8 pages) et agrafée dans une couverture de couleur. Il y a au moins trois « comment et pourquoi » à ça.
La première raison, c’est le Brésil : contrat maint est né en 1998, au cours d’une résidence au Brésil. La forme des éditions est inspirée de petits livres de la même taille que nous avons découverts au cours de ce séjour  : la « littérature de corde » (feuillets traditionnellement vendus sur les marchés suspendus à des cordes). Ce sont des livres de huit pages, comme les nôtres, mais ils ne se déplient pas ; ça, nous l’avons ajouté. Nous en avons eu l’idée en manipulant un feuillet de littérature de corde dont les pages étaient mal agrafées, qu’on pouvait malencontreusement déplier.
La deuxième raison, c’est que ces livres brefs nous permettent d’offrir un espace à une proposition précise, à un essai ponctuel à l’intérieur du travail d’un artiste ou d’un écrivain ; essai, dans tous les sens du terme, qui ne trouverait peut-être pas sa place particulière dans un livre plus long. Et la taille de l’objet fait que nous pouvons confier un bon nombre d’exemplaires à l’auteur qu’il peut envoyer autour de lui pour donner des nouvelles de son travail, puisque cela peut facilement se glisser dans une enveloppe.
Ce qui nous amène à la troisième raison, qui est que le faible coût de la fabrication et de la diffusion d’objets de ce genre nous permet de les financer avec notre argent et l’argent des abonnements, uniquement (pas de subventions). Nos livres, qui sont aussi en librairie, se diffusent facilement par la Poste, avec un simple timbre rouge  ; ils sont entre la lettre et le livre, puisqu’ils se reçoivent, entre le livre et la revue, puisque nous avons des abonnés. Un des plus gros problèmes de l’édition, c’est la diffusion, c’est de trouver des lecteurs. La forme et le format de nos livres, et la formule d’abonnement, apportent une première solution à ce problème.

2. Nous avons lu à voix haute les poèmes publiés, nous les avons trouvés étonnants, originaux. Comment choisissez-vous vos auteurs ?

Nous sommes artiste (Françoise Goria) et poète (Pascal Poyet). Ce travail d’éditeurs fait partie de nos travaux d’artiste et de poète. Nous publions, et parfois traduisons, les textes d’artistes et d’écrivains dont le travail et les questionnements touchent nos propres questionnements. Contrat maint est un atelier sans mur  : c’est pour nous le moyen de travailler ensemble avec d’autres artistes ou écrivains (trois termes), et de faire circuler des idées et des formes ; dans le meilleur des cas des idées neuves et des formes inédites.

3. Comment travaillez-vous avec le poète pour la mise en forme des textes ?

Nous recevons un manuscrit (demandé ou non), que nous lisons, que nous lisons parfois longtemps, en rêvant au contrat maint que cela pourrait faire. Le texte est soit écrit au format (un texte en huit séquences par exemple), soit non (c’est simplement un texte bref). Mais le texte a toujours déjà une forme, qui s’appréhende avec les yeux et par la lecture. Nous partons de cette forme. Nous

 

 

 

sommes aussi très attentifs au ton du texte. Quand nous commençons à l’installer dans notre format à déplier, le texte n’est plus une simple surface : c’est un volume qu’on manipule, qu’on a entre les mains, qui s’ouvre et se ferme. Il faut que nous observions et travaillions avec ce qui se produit quand le texte devient cet espace articulé. Il se passe des choses auxquelles nous n’avions pas pensé, nous faisons parfois plusieurs versions et en discutons entre nous. Nous en choisissons une et envoyons cette « maquette » du livre à l’auteur. Il fait éventuellement des corrections dans le texte et/ou propose des modifications dans la maquette  (à ce stade avancé, les deux sont liés). Dans ce cas, nous en discutons avec lui. Quand tout est « calé », que la couverture est prête, nous allons chez l’imprimeur avec qui, devant les « échantillonneurs », nous choisissons les couleurs d’encre et de papier de couverture (différentes à chaque livre).

4. Qu'est-ce qui vous fait choisir un texte et pas un autre ? Quels sont vos critères ? Avez-vous une ligne éditoriale ? Des thèmes dominants ?

Nous avons déjà un peu répondu à cette question en 2. On peut faire des rapprochements entre les 95 titres (à ce jour) de la collection. Il y a des lignes sous-jacentes entre les livres. Mais chaque livre publié déplace l’ensemble, redessine toutes ces relations. C’est ce mouvement qui nous intéresse. Selon les couleurs de couvertures que nous choisissons, il y a parfois une dominante de jaune ou de vert, mais c’est bien la seule chose qui « domine », pour reprendre le mot que vous employez, et cela ne dure qu’un temps !

5. Pourquoi ne publier que de la poésie contemporaine ?

Nous publions de la poésie contemporaine et des textes d’artistes contemporains, des essais, certains proches de la philosophie, du cinéma ou de la sociologie, certains écrits entre deux genres, comme une réflexion sur une pratique, etc. Nous publions aussi des traductions, et, comme ce domaine nous intéresse beaucoup, nous publions ce que nous avons appelé des « textes de traducteurs » : des réflexions et des expériences en marge du travail de traduction et des textes écrits entre deux langues. On est donc loin de la « seule » poésie. Il s’agirait plutôt, à chaque proposition, de faire sortir ladite « poésie » des limites qui lui sont assignées, aujourd’hui encore, dans la culture. C’est un travail critique nécessaire. Le travail de Bénédicte Vilgrain, qu’avec Magali Brazil nous avons choisi de faire entendre à MidiMinuitPoésie, est un bel exemple de cette exigence de décentrement.

6. Qu'est-ce qu'un éditeur de poésie en 2015 ? Comment en vivez-vous ? Avez-vous le sentiment de résister ?

Cela fait beaucoup de questions d’un seul coup ! Il paraît qu’en Inde, certains architectes modernes ont décidé de réhabiliter la brique dans les systèmes de construction, parce qu’on peut la fabriquer sur place et qu’on peut la transporter à la main, par petites quantités, jusqu’au terrain à bâtir. Disons que nous détournons l’argent que nous gagnons, en travaillant ailleurs, pour faire quelque chose d’utile et nécessaire, selon nous, mais pas rentable. Nous appartenons aux entreprises non rentables de la planète. Le plus important, c’est l’échelle, la taille de notre entreprise. Elle est telle que, quoiqu’il arrive, nous puissions continuer ce travail. Qu’il soit possible, aussi longtemps que nous le voudrons, de trouver ou détourner cette somme nécessaire. C’est une économie.

 

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